mercredi 28 septembre 2016

572 - Les Trois Grâces

Inde 2014                                       photo 3491 n&b   1/30

Inde kanyakumari


Trois femmes à la tête blonde
Pour une mission féconde
Ont rayonné sur notre monde :

Ève, la Joie et la Beauté ;
Maria, la Virginité ;
Madeleine, la Charité.

Parfumés comme des calices,
Dans la clarté, leurs cheveux lisses
Versent d’éternelles délices.

Théodore de Banville, Les Cariatides

lundi 26 septembre 2016

571 - Kanyakumari

Inde 2014                                                                    photo 3479  n&b  1/30

Inde : Kanyakumari, quai du port des pêcheurs ...


"L’homme est en mer. Depuis l’enfance matelot,

Il livre au hasard sombre une rude bataille.

Pluie ou bourrasque, il faut qu’il sorte, il faut qu’il aille,

Car les petits enfants ont faim. Il part le soir,

Quand l’eau profonde monte aux marches du musoir.

Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.

La femme est au logis, cousant les vieilles toiles,

Remaillant les filets, préparant l’hameçon,

Surveillant l’âtre où bout la soupe de poisson,

Puis priant  Dieu sitôt que les cinq enfants dorment.
 ..."
Victor Hugo    Le pêcheur

vendredi 23 septembre 2016

570 - Le sadhu serein

Inde 2014                                     photo 3456a n&b   1/30

Inde Rameswaram alentours du Ramanatha swami temple

" ...
Entre les pôles du conscient et de l’inconscient, l’esprit se balance :
À cette balançoire sont suspendus tous les êtres et tous les mondes ; et cette balançoire ne cesse jamais de se balancer.
Des millions d’êtres y sont accrochés : le soleil et la lune, dans leur course, s’y balancent.
Des millions d’âges passent et toujours la balançoire se balance. Tout est balancé : le ciel et la terre et l’air et l’eau, et le Seigneur Lui-même qui se personnifie :
Et la vue de tout ceci a fait de Kabir le serviteur de son Dieu.
..."

R. Tagore    Poèmes de Kabir

mercredi 21 septembre 2016

569 - Orgueil maternel

Inde 2014                                       photo 3351 n&b  1/30

Inde, Rameswaram, le village

" ...
Et Lysidé, sa mère aux belles tresses d'or,
Assise au seuil avec un bel enfant qui dort,
Se réjouit à voir sa force et son adresse,
L'appelle et, souriante, essuie avec tendresse
Son front tout en sueur où collent ses cheveux ;
Et l'orgueil maternel illumine ses yeux. "

Albert Samain   Le petit Palémon


lundi 19 septembre 2016

568 - Le sadhu au regard pénétrant


Inde 2014                                       photo 3332  n&b  1/30

Inde : Rameswaram, alentours du Ramanatha swami temple ...

Première suite 




Dis-moi, Frère, comment je puis renoncer à Maya.

Quand je défis le nœud de mes rubans, j’attachai encore mon vêtement autour de moi ;

Quand j’eus ôté mon vêtement, je couvris cependant mon corps de ses plis.

— Ainsi quand j’abandonne mes passions, ma colère demeure.

Et, quand je renonce à la colère, l’envie est encore en moi.

Et, quand j’ai vaincu l’envie, mon orgueil et ma vanité sont toujours là.

Quand l’esprit est libéré et qu’il a chassé Maya, il reste attaché à la lettre.

Kabir dit : « Écoute-moi, cher Sadhu, le vrai sentier est difficile à trouver. »
...
POÈMES DE KABIR

traduits sur la version anglaise de

RABINDRANATH TAGORE

vendredi 16 septembre 2016

567 - Un sourire

Inde 2014                                                                     photo 3412 n&b  1/30

Inde : Rameswaram, village des pêcheurs

Un sourire ne coûte rien et produit beaucoup,
Il enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne,
Il ne dure qu'un instant, mais son souvenir est parfois éternel,
Personne n'est assez riche pour s'en passer,
Personne n'est assez pauvre pour ne pas le mériter,
Il crée le bonheur au foyer, soutient les affaires,
Il est le signe sensible de l'amitié,
Un sourire donne du repos à l'être fatigué,
Donne du courage au plus découragé
Il ne peut ni s'acheter, ni se prêter, ni se voler,
Car c'est une chose qui n'a de valeur qu'à partir du moment où il se donne.
Et si toutefois, vous rencontrez quelqu'un qui ne sait plus sourire,
Soyez généreux donnez-lui le vôtre,
Car nul n'a autant besoin d'un sourire
Que celui qui ne peut en donner aux autres.


Raoul Follereau   Un sourire

mercredi 14 septembre 2016

566 - Deux mondes

Inde 2014                                                                              photo 3190  1/30

Inde : Chidambaram, deux mondes cohabitent, des formations aux logiciels et systèmes les plus connus du net, mais on dort encore dans la rue ...

Le ciel sera limpide.
Les rues s’ouvriront
sur la colline de pins et de pierre.
Le tumulte des rues
ne changera pas cet air immobile.
Les fleurs éclaboussées
de couleurs aux fontaines
feront des clins d’oeil
comme des femmes gaies.
Escaliers et terrasses
et les hirondelles
chanteront au soleil.
Cette rue s’ouvrira,
les pierres chanteront,
le cœur en tressaillant battra,
comme l’eau des fontaines.
Ce sera cette voix
qui montera chez toi.
Les fenêtres sauront
le parfum de la pierre
et de l’air du matin.
Une porte s’ouvrira.
Les tumultes des rues
sera le tumulte du cœur
dans la lumière hagarde.
Tu seras là – immobile et limpide. 

Cesare Pavese

lundi 12 septembre 2016

565 - Les forçats du Pasar

Indonésie 2015                                       photo 4706   1/30

Indonésie : Île de Java, Solo, les forçats du pasar Legi

Quand les chevaux du Temps s'arrêtent à ma porte
J'hésite un peu toujours à les regarder boire
Puisque c'est de mon sang qu'ils étanchent leur soif.
Ils tournent vers ma face un œil reconnaissant
Pendant que leurs longs traits m'emplissent de faiblesse
Et me laissent si las, si seul et décevant
Qu'une nuit passagère envahit mes paupières
Et qu'il me faut soudain refaire en moi des forces
Pour qu'un jour où viendrait l'attelage assoiffé
Je puisse encore vivre et les désaltérer. 

Jules Supervielle   Le forçat innocent

mercredi 7 septembre 2016

564 - Les jungles

Sri Lanka 2016                                                   photo 4944n&b sepia  1/30

Sri Lanka, en route vers Puttalam, la jungle envahit tout ....

Sous l'herbe haute et sèche où le naja vermeil
Dans sa spirale d'or se déroule au soleil,
La bête formidable, habitante des jungles,
S'endort, le ventre en l'air, et dilate ses ongles.
De son mufle marbré qui s'ouvre, un souffle ardent
Fume ; la langue rude et rose va pendant ;
Et sur l'épais poitrail, chaud comme une fournaise,
Passe par intervalle un frémissement d'aise.
Toute rumeur s'éteint autour de son repos.
La panthère aux aguets rampe en arquant le dos ;
Le python musculeux, aux écailles d'agate,
Sous les nopals aigus glisse sa tête plate ;
Et dans l'air où son vol en cercle a flamboyé,
La cantharide vibre autour du roi rayé.
Lui, baigné par la flamme et remuant la queue,
Il dort tout un soleil sous l'immensité bleue.

Mais l'ombre en nappe noire à l'horizon descend,
La fraîcheur de la nuit a refroidi son sang ;
Le vent passe au sommet des herbes ; il s'éveille,
Jette un morne regard au loin, et tend l'oreille.
Le désert est muet. Vers les cours d'eau cachés
Où fleurit le lotus sous les bambous penchés,
Il n'entend point bondir les daims aux jambes grêles,
Ni le troupeau léger des nocturnes gazelles.
Le frisson de la faim creuse son maigre flanc
Hérissé, sur soi-même il tourne en grommelant ;
Contre le sol rugueux il s'étire et se traîne,
Flaire l'étroit sentier qui conduit à la plaine,
Et, se levant dans l'herbe avec un bâillement,
Au travers de la nuit miaule tristement.

Leconte de Lisle    Les jungles

563 - La nature du vide

Sri Lanka 2016                    photo 4942 n&b sepia   1/30

Sri Lanka  Anuradhapura, dagoba (  gopura )dans la cité sacrée ...

« Regarde ce qui vient au jour
Dans chacun des dix orients ;
Quel qu’en soit l’aspect,
La Réalité, son essence,
Est la vacuité, esprit de l’abîme.
« Toutes choses étant de la nature du vide,
Puisque c’est le vide qui observe le vide,
Qui videra ce qui est à vider ? »


 Nyoshül Khen Rinpoche

vendredi 2 septembre 2016

562 - L'hirondelle du Bouddha

Sri Lanka 2016    photo 4941   1/30

Sri Lanka Anuradhapura : le temple de Isurumuniya, le grand bouddha couché

" Quand son enseignement eut consolé le monde,
Le Bouddha, retiré dans la jongle profonde
Et du seul Nirvâna désormais soucieux,
S’assit pour méditer, les bras levés aux cieux;
Et gardant pour toujours cette sainte attitude,
Il vécut dans l’extase et dans la solitude,
Concentrant son esprit sur un rêve sans fin
Avant d’être absorbé par le Néant divin.
Le temps avait rendu tout maigre et tout débile
Le corps ossifié de l’ascète immobile;
Les lianes grimpaient sur son torse engourdi
Que ne réchauffait plus le soleil de midi;
Et ses yeux sans regard, dans leurs mornes paupières,
Semblaient avoir acquis la dureté des pierres.
Il aurait dû mourir, par la faim consumé;
Mais les petits oiseaux, dont il était aimé,
Les oiseaux qui chantaient dans les branches fleuries,
Venaient poser des fruits sur ses lèvres flétries.
Et, depuis très longtemps, c’est ainsi que vivait
Le Bouddha vénérable, absolument parfait.
..."

 François Coppée, Les récits et les élégies